Lydia Gautier, Sommelière Pionnière du Thé

Pionnière dans le domaine de la sommellerie du thé et auteure de plusieurs ouvrages de référence sur le thé, Lydia Gautier a été consultante pour des marques internationales. Ses 25 années d’expérience et de proximité avec des producteurs l’ont conduite à devenir une des figures majeures de l’expertise du thé dans le monde, et à créer en 2017 sa propre marque, Lydia Gautier Thés et Tisanes. De 2018, date de sa première édition, à 2021, elle préside le jury technique des thés monovariétals du concours de l’Association de Valorisation des Produits Agricoles (AVPA) qui récompense les meilleurs thés de spécialité.

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Lydia a eu l’amabilité de se joindre à nous pour nous raconter son parcours, nous expliquer son approche de la dégustation, nous parler de son rôle au sein du concours de l’AVPA et de ses coups de cœur. Nous étions à quelques jours du début du concours !

Author and tea sommelier Lydia Gautier
Sommellerie de thé Lydia Gautier

Anne: Quand avez décidé de faire de la dégustation de thé votre métier?

Lydia: Ça fait très longtemps ! J’ai toujours bu du thé, comme beaucoup de professionnels du thé. C’était à l’Agro (j’ai fait une école d’agronomie à Paris qui s’appelle AgroParis Tech). Quand j’en suis sortie en 94, je voulais travailler dans le thé. Déjà à l’Agro, c’était une boisson qui me passionnait. Au début, j’ai plutôt fait mes stages dans la viti-viniculture, que ce soit en France ou au Pérou. Très rapidement après j’ai voulu travailler dans le thé, c’était obsessionnel et j’ai donc commencé à démarcher toutes les sociétés qui proposaient du thé en France. J’ai fait mes armes au Palais des Thés en 95. Je les ai accompagnés pendant 7 ans. J’ai eu en charge le développement et l’animation de l’Ecole du thé que j’ai dirigée jusqu’en 2002. Je suis ensuite partie vivre au  Mali pendant 5 ans et c’est là que j’ai commencé à écrire sur le thé. Mon premier livre « Le thé, arômes et saveurs du monde » est sorti en 2005, il a été traduit en plusieurs langues et est un peu devenu un ouvrage de référence. Ça faisait très longtemps qu’aucun livre n’était sorti sur le thé. Et surtout, j’abordais le thé comme le vin (ce qui à l’époque ne se faisait pas du tout, alors que maintenant c’est beaucoup plus courant), en expliquant qu’il y avait une sensorialité et une technique d’analyse sensorielle qui pouvaient être pratiquées comme sur le vin.

Planting tea
Bienvenue en Corrèze – Lydia écrit qu’elle a discrètement planté des arbustes à thé derrière la maison familiale en Corrèze en 2016 et quelques années plus tard en a récolté assez pour produire 100 grammes de thé. Grâce à Denis Mazerolle et Weizi Mazerolle, elle a ensuite planté 50 nouveaux théiers sur une petite parcelle ombragée. Les théiers provenaient du Népal, de Chine et de Bretagne. “Je rejoins l’aventure des planteurs de thé français, avec la main verte, j’espère”, écrit-elle.

Anne: Vous avez été pionnière en France dans le domaine de la sommellerie de thé…

Lydia: Tout à fait. J’ai écrit un livre consacré à la sommellerie du thé qui s’appelle « Thés et mets, subtiles alliances » sur les accords thés et mets, il est sorti en 2008. J’ai écrit une dizaine de livres sur le thé.

Anne: Vous êtes vraiment un auteur de référence en France, et bien au-delà. J’ai vu qu’il y avait aussi un livre sur le fromage, sur les accords entre le thé et le fromage?

Lydia: Oui. J’ai toujours mangé salé le matin et bu du thé en même temps. J’adore le fromage et c’est plus une expérience personnelle qui m’a amenée à vouloir communiquer sur cette thématique. Je trouve que ça fonctionne très bien. Pour chaque fromage, on peut trouver un thé et inversement. On a la chance d’avoir, surtout en France, une multitude d’appellations fromagères et on peut vraiment trouver un thé pour chacun. En plus, je trouve qu’au moment du fromage, quand il s’inscrit dans un repas complet, on commence à être un peu écœuré des accords vins et mets. C’est en plus un produit gras, donc pouvoir boire du thé en mangeant du fromage permet de faire une pause. Je sais que ça fait bondir beaucoup de Français, mais je trouve que ça fonctionne très bien et j’ai même réussi à convaincre des inconditionnels du vin, donc je me dis qu’il y a une voie. On commence à en voir de plus en plus, ça reste dans la sphère des « geeks » de thé, mais ces accords entre le thé et le fromage sont de plus en plus populaires.

A la suite de la sortie de ce livre, j’ai assuré des missions de conseil. J’ai beaucoup travaillé comme consultante, depuis maintenant 25 ans que je travaille dans le thé. Beaucoup dans l’ombre de grandes maisons pour des créations sur mesure, du sourcing sur mesure, de la formation aussi car la formation du personnel, c’est primordial. Et puis, j’ai créé ma marque. J’avais vraiment besoin de m’exprimer indépendamment des commandes de mes clients et des cahiers des charges qui ne permettent pas de faire tout ce qu’on veut, de référencer les producteurs qu’on veut et de travailler de la manière dont on veut. Donc j’ai créé ma marque de thé en 2017, ce qui est très récent dans mon parcours de thé et qui était une conséquence logique de ce qui a précédé. Elle s’appelle « Lydia Gautier, Thés et Tisanes d’Auteurs ». Je mets vraiment à profit tout le réseau que j’ai pu construire pendant ces 25 années de proximité avec les producteurs, avec du sourcing en circuit court. Les créations que je fais sont des  créations artisanales où je mélange les plantes. Depuis toujours, je suis passionnée de botanique, le thé étant une plante parmi d’autres. Ce sont des créations qui sont complètement naturelles, il n’y a pas d’arômes rajoutés. A un moment, mes collaborateurs ont voulu intégrer des thés aromatisés mais j’ai refusé. Ça se fait ailleurs. Sinon, ça ne sert à rien que je créé ma marque. Elle est dans le respect de la botanique, des plantes, des terroirs, donc je ne veux pas de thés aromatisés. Et puis il y a cette dimension gastronomique que j’ai depuis longtemps avec la sommellerie du thé, avec le travail que j’ai pu faire avec l’Ecole Ferrandi, qui est une école de cuisine française que j’accompagne sur différents pôles de leur formation depuis une dizaine d’années (j’ai donné des cours régulièrement), et également avec mes clients qui sont des chefs, des hôtels, toute cette proximité avec la restauration gastronomique française.

Portraits de Thés, Lydia Gautier

Anne: Y a-t-il des thés qui vous correspondent particulièrement?

Lydia: Il y en a plusieurs, forcément. Je bois du thé depuis toujours avec les repas et en dehors des repas, de la tisane aussi. La tisane le soir, parce que le thé m’empêche de dormir, donc maintenant je fais attention. Je n’en bois plus après 17-18 heures, sauf si j’y suis obligée parce que je suis dans un pays producteur et là je sais que j’aurai quelques nuits blanches, mais ce n’est pas grave, c’est l’excitation aussi du dépaysement. J’adore ce qu’on appelle les Hong Cha, les thés rouges (ou thés noirs en Europe), qui sont fruités ou peuvent avoir des notes cuir. J’aime beaucoup les Qimen par exemple, les thés du Népal ou d’Inde mais plutôt les second flush ou les thés d’automne que les first flush parce qu’il y a ce côté fruité, compoté avec des tanins qui sont un petit peu plus ronds que sur les first flush qui vont être plus vifs, un peu plus végétaux, zestés. J’aime la découverte humaine aussi : dans le thé il y a ça, la gourmandise, le côté gustatif, mais aussi l’émotion, l’expérience, le souvenir, c’est ça qui fait sa force. C’est un produit de l’émotion. Ça se passe autant dans le cerveau, dans le corps que dans la bouche. Actuellement, le thé que je bois le matin est un thé qui vient de Taïwan, d’une productrice avec laquelle je collabore depuis plusieurs années, et à laquelle j’ai rendu visite à plusieurs reprises. Elle est dans les Ali Shan, les monts Ali. Elle travaille un cultivar qui normalement est fait pour faire un Ali Shan Cha Oolong, mais qu’elle travaille en thé oxydé. Il est d’une douceur, d’une délicatesse et d’une gourmandise qui me font voyager chaque matin avec ma tasse de thé. Après j’aime beaucoup les thés verts japonais (de temps en temps, j’ai des « pics gustatifs » !), et aussi les oolong, les oolong qui sont fortement torréfiés comme les Dan Cong ou les oolong de roche. Je les aime bien plutôt en mangeant, pas à boire à jeun. Alors que les oolong perlés, notament les Ali Shan Cha oolong ou bien les Tie Guan Yin, ce genre de oolong plus végétaux ou les thés verts japonais sont plus des thés que je vais boire en dehors des repas. Je peux les boire pendant un repas, mais j’aurai vraiment de la facilité à les boire pour me désaltérer, ou pour un instant de gourmandise en dehors des repas. J’aime beaucoup les thés blancs l’été parce que je trouve qu’ils sont très désaltérants. Ils ont un côté très rafraichissant, même si on les boit chauds. Ça dépend vraiment de l’humeur et du moment, comme pour beaucoup de gens. J’en bois plusieurs quotidiennement. Mais le matin, je suis plutôt une inconditionnelle des thés rouges.

Anne: Y-at-il des thés qui vous ont au départ posé un problème et avec lesquels vous vous êtes finalement familiarisée ?

Lydia: Oui, les Darjeeling first flush notamment. Je n’ai pas aimé ça tout de suite. Mais quand j’étais enceinte de mon deuxième enfant, je ne pouvais boire que du Darjeeling première récolte, alors qu’avant ce n’était pas mon thé du quotidien. Ça m’y a redonné goût, et de temps en temps j’apprécie de m’en faire un, en particulier quand les nouvelles récoltes arrivent, mais pas quotidiennement.

Et les pu er. Au tout début de ma carrière, j’ai connu comme beaucoup de gens dans les années 90, les pu er shu, les pu er mûrs, qui ont un côté sous-bois, qui sont très veloutés, avec cette note un peu mousse humide et même parfois moisie s’ils sont mal faits, et qui peut être désagréable. Au début, je n’ai pas du tout apprécié ce genre de pu er. J’ai vraiment eu une révélation dans les années 2000 où j’ai découvert les pu er crus, les sheng, qui ont été un coup de cœur. En éduquant mon palais, en y revenant, il y a maintenant des pu er shu qui sont des vieux millésimes, que j’apprécie. J’en ai d’ailleurs travaillé deux. Ce sont des shu que j’ai travaillés sur des créations, un avec de la camomille matricaire et un autre avec de la fève tonka, parce que l’une et l’autre plantes apportent un côté un peu gourmand, doux, vanillé ou miellé pour la camomille, qui contrebalance ce côté très sous-bois du pu er shu.

 

Mieshan, Taiwan

Anne: Pourriez-vous expliquer comment vous avez développé votre vocabulaire du thé ?

Je l’ai développé en puisant dans l’univers du vin et dans l’univers de la parfumerie. On a des dénominateurs communs de la palette aromatique, des grandes familles aromatiques. Pour ce qui est de la dégustation, au niveau gustatif, on retrouve les 5 saveurs : amer, acide, salé, sucré, umami. De même pour la texture, il y a tout un vocabulaire qui existe déjà notamment pour le vin, pour le fromage, dans lequel on peut aller puiser pour construire celui autour du thé.

En bouche, vous avez trois sensations principales, l’olfaction et la rétro-olfaction avec les arômes, le bouquet aromatique. Vous avez ensuite tout ce qui se situe au niveau du goût, c’est-à-dire les cinq saveurs, et ensuite tout ce qui est plus tactile (on appelle ça la trigéminale), tout ce qui est texture.

Anne: Vous est-il arrivé de trouver un arôme ou une saveur qui évoquait quelque chose de votre imaginaire, sans arriver à mettre un mot de ce vocabulaire dessus ? Et donc de devoir utiliser quelque chose de totalement fantaisiste et hors de ces codes ?

Lydia: Oui, souvent quand vous allez sentir quelque chose (l’odorat est très lié aux souvenirs), la première étape c’est que vous allez sentir un souvenir, donc une personne, un lieu. Ça peut être négatif ou positif, c’est une sensation. C’est une sensation qui peut d’ailleurs être très réconfortante ou parfois dérangeante aussi. Après, ce qui n’est pas facile, c’est qu’il faut faire l’exercice d’aller fouiller et remonter pour aller comprendre d’où vient ce souvenir. Par exemple, le pu er shu a un côté sous-bois. Ce côté sous-bois pour certains, quand vous allez le faire déguster, va être « ça sent l’armoire à confitures de ma grand-mère ». Donc « l’armoire à confiture de ma grand-mère », c’est quoi ? C’est une vieille armoire, et quand on ouvre une vieille armoire, on sent un côté renfermé, moisissure, mais semi-sèche, et donc on va remonter le fil de son souvenir et on va pouvoir essayer de trouver ce qu’on appelle un référent, qui est personnel. Et donc se dire que si on le sent dans un autre thé, c’est ça mon référent.

White Pomelo Feuille Seche (a réserver dès cet automne)

Anne: En confrontant votre point de vue à celui de personnes d’autres continents, diriez-vous que votre mémoire s’est modelée de façon différente?

Lydia: Forcément différente. C’est pour ça que c’est compliqué de créer ce qu’on appelle des référents d’analyse sensorielle, parce que c’est très culturel. Les référents d’analyse sensorielle au Japon ne sont pas les mêmes qu’en France, parce qu’on n’a pas la même nourriture, on n’a pas le même environnement culturel. Je pense que c’est ça aussi qui est difficile dans le concours AVPA, la majorité des thés ne viennent pas d’Europe, ils viennent d’autres cultures, la difficulté est d’arriver à avoir quand même une objectivité dans la notation. Mais c’est une notation qui reste occidentale, pour le marché français. Ce n’est pas une notation absolue. C’est vraiment avec des référents et une connaissance du marché français qui font que tel thé va plaire au consommateur français ou ne va pas plaire. Mais c’est vrai qu’il y a une notion de subjectivité.

Anne: Certaines qualités vont être recherchées dans certains pays? Par exemple en Inde, on recherche certaines qualités dans un thé, et en France on va en rechercher d’autres?

Lydia: Oui, tout à fait. Je me rappelle avoir travaillé pour une marque qui est en grande distribution en France. Je les avais accompagnés car ils avaient un gros problème de taux de réachat en supermarché sur leur gamme de thé. C’est une des rares marques françaises qui travaille en direct avec des coopératives de producteurs partout dans le monde. Ils avaient notamment des problèmes de taux de réachat sur leur thé du Sri Lanka. Ils m’avaient chargée d’une mission de conseil pour comprendre pourquoi il n’arrivait pas à conquérir le palais français. En fait, c’était tout bête. Le producteur sri lankais pensait que les Français aimaient les thés verts avec une liqueur un peu ambrée. Il était resté, je pense, sur des codes des années 80. Quand j’y suis allée, on a fait des dégustations comparatives, j’ai trouvé un thé vert que je trouvais typé thé vert et bien pour le marché français et je lui ai dit que c’était ce type de thé que les Français aimaient. Ce n’était pas du tout le thé qui sent les légumes cuits. C’était le côté végétal, vert, frais. Le problème était une méconnaissance de ce qu’attend le consommateur français. On a donc référencé ce nouveau thé et leur chiffre est remonté. Il faut faire le lien entre le marché cible d’un producteur et le producteur lui-même qui n’a pas la connaissance de tous les marchés sur lesquels il veut aller.

AVPA

Je connais l’AVPA depuis 15 ans. Je connais Philippe Juglar depuis une quinzaine d’années. Lorsqu’il m’a demandé il y a cinq ans (c’est la cinquième édition) d’être président du jury, je ne pouvais pas être le directeur opérationnel qui supervise toute sa mise en place, je n’avais pas le temps, mais j’ai accepté ce rôle car je l’ai trouvé intéressant de vraiment valoriser le travail des producteurs. La mission première de ce concours est de promouvoir et promouvoir les producteurs. Pour moi, c’est dans la lignée de ce courant que je ressens l’émancipation des producteurs : revenir sur le devant de la scène, ne pas être masqué par leurs distributeurs, pouvoir prendre de la place et être légitimement mis en avant sur tous leurs savoir-faire. qui s’étend parfois sur plusieurs générations. C’est donc ce qui m’a vraiment motivé à présider le jury. Au niveau du back office, j’appuie l’équipe opérationnelle pour mettre en place la grille d’évaluation sensorielle qui est réajustée chaque année en fonction de ce que les différents membres du jury peuvent nous apporter de commentaires, sur ce qu’attendent les producteurs. Il y a aussi beaucoup de travail que je dois faire chaque année pour catégoriser les thés. On ne va pas mettre un Darjeeling de printemps et un Darjeeling d’été dans la même catégorie par exemple, ils ne sont pas comparables. Dans le formulaire d’inscription, les producteurs ont la possibilité de choisir dans quelle catégorie ils souhaitent concourir, mais nous affinons cela. Nous avons deux jours de travail préliminaire avant le début du concours pour bien reclasser et être sûr que les thés sont dans les bonnes catégories. Eh bien, redéfinissez (parfois ça peut bouger un peu) quel type. Par exemple, en 2020, nous avions beaucoup de oolong perlé. Mais il y avait différents degrés de torréfaction. J’ai donc pensé qu’il fallait faire deux sous-catégories entre les oolongs perlés qui étaient très faiblement torréfiés, très faiblement oxydés, et ceux qui avaient une torréfaction beaucoup plus poussée. Il y a plein de petites subtilités que l’on apporte avant la dégustation, qui se déroule à l’aveugle pendant le concours.

Anne: Pour en revenir au vocabulaire de la dégustation, avez-vous procédé à certains exercices pour enrichir ce vocabulaire ?

Lydia: Des dégustations comparatives régulières. Je me suis aussi toujours intéressée au vin, donc je continue à déguster du vin. Le fromage également, l’huile d’olive… je pense que c’est aussi la curiosité personnelle qui fait qu’on élargit petit à petit sa palette de référents.

Anne:  Vous conseilleriez plutôt des dégustations comparées ou de se concentrer sur un thé en particulier et d’essayer d’aller au bout de ce thé ?

Lydia: Quand je fais mes sélections, je fais toujours des dégustations comparatives. Donc j’ai souvent un référent et après je vais déguster autour de ce référent.

Se concentrer sur un thé, c’est plus pour se faire plaisir. C’est bien pour essayer de niveler ce qu’on aime, parce qu’il y a un côté subjectif. Il y a ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas. Au-delà de ça avec une certaine neutralité, c’est beaucoup plus simple de former son palais en dégustant tout un panel, par exemple de Darjeeling de printemps de plusieurs jardins, ou tout un panel de Qimen de plusieurs grades, pour essayer de comprendre comment ça fonctionne.

Anne: Certaines qualités vont être recherchées dans certains pays ? Par exemple en Inde, on recherche certaines qualités dans un thé, et en France on va en rechercher d’autres?

Lydia: Oui, tout à fait. Je me rappelle avoir travaillé pour une marque qui est en grande distribution en France. Je les avais accompagnés car ils avaient un gros problème de taux de réachat en supermarché sur leur gamme de thé. C’est une des rares marques françaises qui travaille en direct avec des coopératives de producteurs partout dans le monde. Ils avaient notamment des problèmes de taux de réachat sur leur thé du Sri Lanka. Ils m’avaient chargée d’une mission de conseil pour comprendre pourquoi il n’arrivait pas à conquérir le palais français. En fait, c’était tout bête. Le producteur sri lankais pensait que les Français aimaient les thés verts avec une liqueur un peu ambrée. Il était resté, je pense, sur des codes des années 80. Quand j’y suis allée, on a fait des dégustations comparatives, j’ai trouvé un thé vert que je trouvais typé thé vert et bien pour le marché français et je lui ai dit que c’était ce type de thé que les Français aimaient. Ce n’était pas du tout le thé qui sent les légumes cuits. C’était le côté végétal, vert, frais. Le problème était une méconnaissance de ce qu’attend le consommateur français. On a donc référencé ce nouveau thé et leur chiffre est remonté. Il faut faire le lien entre le marché cible d’un producteur et le producteur lui-même qui n’a pas la connaissance de tous les marchés sur lesquels il veut aller.

Anne: Vous conseilleriez plutôt des dégustations comparées ou de se concentrer sur un thé en particulier et d’essayer d’aller au bout de ce thé ?

Lydia: Quand je fais mes sélections, je fais toujours des dégustations comparatives. Donc j’ai souvent un référent et après je vais déguster autour de ce référent.

Se concentrer sur un thé, c’est plus pour se faire plaisir. C’est bien pour essayer de niveler ce qu’on aime, parce qu’il y a un côté subjectif. Il y a ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas. Au-delà de ça avec une certaine neutralité, c’est beaucoup plus simple de former son palais en dégustant tout un panel, par exemple de Darjeeling de printemps de plusieurs jardins, ou tout un panel de Qimen de plusieurs grades, pour essayer de comprendre comment ça fonctionne.

Anne: Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui cherche à progresser ?

Lydia: Il faut sentir autour de soi. Quand c’est par exemple la saison du mimosa, vous allez sentir le mimosa. J’adore aller chez les fleuristes et sentir les fleurs de saison, parce que c’est toute une palette aromatique qu’on retrouve dans des oolong, dans certains Darjeeling, dans certains thés blancs. Les épices, c’est pareil. C’est vraiment courant dans notre quotidien, mais on n’y fait plus attention. C’est tout simple de s’amuser à sentir une poignée de clous de girofle, de cannelle, de cardamome. Les herbes aromatiques aussi. Vous allez chez un jardinier, vous allez avoir à chaque saison de la verveine, de l’estragon, de la sauge…Donc c’est vraiment sentir ce qu’on a autour de soi, puisqu’on a construit comme ça notre référentiel. C’est sentir la nature autour de soi.

Anne: Avez-vous un souvenir d’un éblouissement sur un thé en particulier et qui vous marque encore?

Lydia: Oui, justement un oolong de Taïwan. D’ailleurs consécutivement à sa découverte lors du concours de l’AVPA j’en ai acheté, seulement quelques kilos, parce qu’ils ne font que 10 kilos par an il me semble. Je n’en ai acheté que 3 et je ne l’ai même pas encore commercialisé pour tout vous dire. Mais ça a été un de mes coups de cœur l’année dernière. Les années précédentes, des coups de cœur sur des nouvelles origines aussi. Ce qui est « sympa » avec ce concours, c’est qu’on a des grands classiques, le Japon qui est très présent, Taïwan aussi, le Vietnam, mais on a aussi des pays qui sont un peu moins connus comme la Nouvelle Zélande. On a même eu un thé italien l’année dernière et un thé français. Il y avait aussi l’Indonésie. On est sur du premium, du thé en feuilles entières, donc ce que je trouve intéressant, c’est aussi ces nouveaux arrivants qui pour certains sont des pays producteurs, comme par exemple l’Indonésie. Cette année, je crois qu’il va y avoir la Géorgie, ça fait quasiment un siècle qu’ils produisent du thé mais ils sont passés par des périodes où ça a baissé. C’est lié à l’histoire du pays, donc on a une chute de la production et après on a une résurgence, un redéveloppement de la production. C’est ce qui se passe actuellement en Géorgie, en Indonésie, dans beaucoup de pays traditionnellement producteurs plutôt de thés industriels qui essayent de se reconvertir dans du thé plus premium. C’est ça qui va assurer une durabilité pour le terroir. Au Kenya aussi, même si la majorité du thé qu’ils produisent est un thé industriel pour faire du thé en sachet, on voit apparaître des acteurs locaux qui commencent à travailler sur de la feuille entière, de l’orthodoxe; au Malawi aussi. Ça je trouve que c’est génial.

C’est toujours pareil avec le thé, on voyage avec sa tasse de thé, et ce concours, c’est aussi un voyage, une proximité avec les producteurs de pays grands classiques, comme hors des sentiers battus.

Tasting Notes

Ali Shan Cha Red “Yunghu”

Origin: Taiwan, Chiayi County, Ali Shan Township

Altitude: ecological garden located at 1000 meters (<1ha)

Teamaker: Silvia Vayiyana

Cultivar: Chin Shin

Dry leaves: pearled, glossy with brown reflections

Liquor: copper-amber

Aroma: vanilla, stewed fruit, woody

Process: A true pioneer, producer  Silvia  Vayiyana is oxidizing part of her harvest traditionally dedicated to making wulong tea in this region, the famous Ali Shan Cha Wulong. She also produces Ali Shan Cha Wulong.

Best months:   April-May

Preparation tips: Western 7g/50cl – 90° – 6 minutes – or gong fu cha 7g/20cl – 90°C – water steeps in 1 min to 1:30 increments until the tea is exhausted

Tasting Notes: This presents as a pearl black tea with velvety notes and soft tannins that bring structure without bitterness or astringency; with gourmet aromatic notes and warm woody, sweet-vanilla, stewed fruit remanent. Storage tests began in 2015, revealing a beautiful aging tea that improves as it ages, gaining depth and complex aromatics. Silvia, a member of the Tsou indigenous people, nicknamed it “Yunghu,” which in the Tsou language means “comforting,” warm in color, and for its sensation in the mouth.

Personal Notes:  Silvia  Vayiyana is a producer I visited several times in Taiwan in her ecological garden following a meeting in France at a trade show. I represent her in France and participate in events dedicated to tea and the Tsou culture to carry her values and expertise as a female tea maker.

Silvia is a mixed Aboriginal woman of the Tsou tribe and lives in a village in the heart of the high-altitude tea appellation of the Ali or Ali Shan Mountains. She managed to keep her father’s land for tea cultivation. Ali Shan is best known for its wulong teas, but Silvia is very creative and has tried, with the same Chin Shin cultivar, to make other teas, including red tea (called black in the West), as well as a lovely white tea that I will launch this fall in my online store.

Buy link: Ali Shan Cha Red “Yunghu

White Pomelo – Vietnam white tea Timur berries, and rose petals


Origin: Vietnam, Lai Chau Province, Tam Duong District

Altitude: 900m

Dry leaves: raw Bai Mu Dan style with a mixture of silvery fluffy buds and green to amber leaves

Liquor: light amber

Aroma: vegetable, pink grapefruit or pomelo zest, pink flowery background

Process :

Preparation tips:  Western 7g/50cl – 90° – 4/5 mn

Tasting Notes:  I wanted to create a very thirst-quenching drink with this dominant pomelo that I accentuated by mixing rose petals to bring increased body and a gentle warm touch. I used a white tea with large leaves from the family of White Peonies (or Bai Mu Dan) sourced in Vietnam.

Personal Notes:  This creation started from a crush on Timur Bay, or Timeout, growing wild in Nepal on the Himalayan foothills. From its Latin name   Zanthoxylum armatum, it is part of this large family of very fragrant berries often assimilated to pepper but which are not, like the “pepper” of Sichuan. It is a berry that has a fresh, zesty facet similar to pink grapefruit. I used a white tea from Vietnam as a base blended with another favorite from a cooperative of producers that I met during a workshop that I had organized for producers in Yenbai as part of a work on Shan Tuyet teas for the Vietnamese Ministry of Agriculture. I have been working with these producers ever since.

Buy link: White Pomelo (temporarily out of stock, returning this fall)

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